Pour les patients ayant une forme sévère de la maladie, l’enzymothérapie actuelle dans la maladie de Hurler (MPS I) n’a pas d’impact sur le déclin cognitif des patients. La greffe de cellules souches hématopoïétiques n’est quand-à-elle possible que dans certaines conditions et occasionne un risque de mortalité.
Dans l’espoir d’une action sur le cerveau par un traitement moins invasif, le laboratoire ArmaGen a modifié l’enzyme IDUA (enzyme impliquée dans la maladie) en lui associant un anticorps (IgG) dont la cible est le récepteur à l’insuline que l’on trouve au niveau de la barrière naturelle du cerveau. L’idée est qu’en venant se fixer sur le récepteur, l’anticorps entraine avec lui l’enzyme IDUA qui passerait alors la barrière et pénètrerait dans le cerveau des malades.
Des perfusions chez le singe avaient précédemment permis de montrer que le complexe constitué par l’enzyme IDUA associée à l’IgG, dénommé AGT-181, avait une distribution dans le corps similaire à celle de l’enzyme seule. Mais AGT-181 était également retrouvé dans le cerveau alors que l’IDUA seule non.
Un essai clinique de phase I/II a donc été mené pour évaluer la sécurité et la tolérance du produit, et la stabilisation de la maladie chez des enfants MPS I ayant des atteintes neurocognitives. Pour rappel, la phase I/II d’un essai vise à étudier la tolérance au médicament et à définir la dose et la fréquence d’administration qui seront recommandées pour les études suivantes.
L’essai s’est fait en deux étapes. La première a consisté à perfuser, avec une dose croissante d’AGT-181, 6 adultes MPS I ayant une forme modérée de la maladie (Scheie). La première semaine la dose perfusée d’AGT-181 était de 0,3 mg/kg, la semaine suivante de 1 mg/kg et la troisième semaine de 3 mg/kg. N’ayant pas observé de réactions secondaires importantes à cette première, la seconde a permis à 11 enfants de recevoir AGT-181 durant 52 semaines par des perfusions intraveineuses hebdomadaires. 4 enfants ont reçu la dose de 1 mg/kg d’AGT-181, 5 enfants la dose de 3 mg/kg et 2 enfants la dose de 6 mg/kg. Les enfants inclus dans cet essai n’étaient pas éligibles au traitement par la greffe.
Les effets secondaires observés lors des perfusions étaient principalement des hypoglycémies transitoires solutionnées en 10 à 20 minutes par l’apport d’un en-cas ou d’un sachet de glucose et quelques cas de réactions à la perfusion. Les deux tiers des réactions d’hypoglycémies ont eu lieu chez les enfants perfusés à la dose de 6 mg/kg d’AGT-181.
Les différents tests cognitifs ont permis de montrer que globalement le quotient de développement des enfants a été stabilisé sur cette période d’un an (sauf pour 2 enfants) ainsi que le volume de la matière grise du cerveau observé par IRM. Sans traitement, les enfants MPS I ont un quotient de développement qui diminue en moyenne de 14 – 17 points par an.
Les examens afin d’évaluer différentes atteintes périphériques de la MPS I (cardiaques, volume foie et rate, amplitudes de la mobilité des épaules, taux des GAGs urinaires, …) ont également montré une stabilisation, parfois une légère amélioration sur cette période d’un an.
En conclusion, les auteurs indiquent que cet essai a pu montrer un profil de sécurité du traitement satisfaisant. Sur le temps du suivi d’un an, il semble que les fonctions neurocognitives ont pu être stabilisées chez la plupart, ainsi que les atteintes périphériques de la maladie.
Un essai clinique impliquant un nombre plus important de patients, avec un indicateur de contrôle, et sur un temps d’observation plus long (2 ans) est désormais nécessaire pour évaluer l’effet du traitement par AGT-181 à la dose de 3 mg/kg.
[/Delphine Genevaz/ septembre 2018]
Article libre accès : « Neurocognitive and somatic stabilization in pediatric patients with severe MPS I after 52 weeks of intravenous brain-penetrating insulin receptor antibody-iduronidase fusion protein (valanafusp alpha) : an open label phase 1-2 trial » ; R. Giugliani et al. ; Orphanet Journal of Rare Diseases : July 2018.