La MPS VI ou maladie de Maroteaux-Lamy touche, comme toute maladie lysosomale, de nombreux organes (=maladie multisystémique) avec une sévérité plus ou moins importante selon les malades. Dans cette maladie, l’intellect est préservé mais le foie, la rate, les os, l’œil (cornée), l’oreille, les voies respiratoires, le cœur peuvent être fortement impactés. La MPS VI peut ainsi conduire à des altérations de la vue, des troubles de l’audition, des retards de croissance, des déformations osseuses et raideurs articulaires, des difficultés respiratoires et de la marche, une fatigue importante, etc.
Depuis 2005, la seule thérapeutique spécifique proposée est un apport de l’enzyme qui est défaillante dans cette maladie (l’arylsulfatase B produite à partir du gène ARSB). Cet apport se fait par des perfusions intraveineuses hebdomadaires.
Une équipe de recherche italienne évalue actuellement une approche de traitement par thérapie génique. L’idée est d’injecter par voie intraveineuse un vecteur (AAV8) contenant des copies non mutées du gène ARSB et qui va préférentiellement cibler les cellules du foie pour y introduire ces copies. Les cellules du foie deviennent alors des usines de production de l’enzyme arylsufatase B qui est sécrétée en continu dans la circulation sanguine et récupérée par les cellules des autres organes.
Lors du symposium international des MPS et maladies associées, qui s’est tenu en juillet dernier, le docteur Alberto Auricchio a dévoilé les résultats de sécurité et d’efficacité de cette approche, obtenus lors d’un essai clinique de phase 1-2. En préambule, le docteur Auricchio a rappelé quelques résultats obtenus chez l’animal qui ont apportés la preuve de principe qu’une injection unique de vecteurs contenant le gène ARSB permettait une production stable d’enzymes sur un recul de 8 ans, à un taux sérique supranormal. Sur le plan clinique, deux mini vidéos comparant le comportement d’un chat MPS VI non traité à celui d’un chat malade traité à 2 mois, a montré le maintien, à un an, de l’activité motrice du chat traité, activité similaire à celle d’un chat non malade.
Pour l’essai clinique, 9 patients âgés entre 5 et 29 ans ont été inclus, tous sous traitement enzymatique depuis au moins 1 an. Parmi les critères d’inclusion, les patients ne devaient pas avoir d’anticorps préexistant contre le vecteur AAV8 afin d’éviter de limiter l’efficacité potentiel du traitement. Selon le docteur Auricchio, environ 40% de la population possèderaient des anticorps anti AAV8, ce qui constituerait un point limitant pour cette thérapie. D’autre part les patients ne devaient pas avoir un taux trop élevé d’anticorps contre l’enzyme arylsulfatase B, anticorps développés lors des perfusions enzymatiques. Sur la cohorte de 40 patients connus de l’équipe, 25% ont été exclus sur ce critère.
Trois groupes ont été constitués pour recevoir une dose de vecteurs différente afin de déterminer la dose optimale. Une semaine avant le traitement par thérapie génique, le traitement hebdomadaire d’apport d’enzyme (enzymothérapie) a été arrêté.
Chez deux patients sur les trois traités à faible dose de vecteurs, une activité d’arylsulfatase B sérique a pu être détectée entre 10 à 25% d’une activité normale. Chez le troisième patient, il n’a pas été possible de détecter cette activité. Pour les deux patients ayant reçu une dose intermédiaire de vecteurs, la détection de l’activité de l’arylsulfatase B sérique a été du même ordre de grandeur que pour ceux traités à faible dose (20-25%). Cette activité enzymatique n’a pas été suffisante pour éviter une augmentation régulière de GAG urinaire, ce qui a conduit à une reprise de l’enzymothérapie pour ces 5 patients.
Pour les 4 patients traités par la haute dose de vecteurs, la détection de l’activité de l’arylsulfatase B sérique a été plus importante (environ 50% de la normale) et a permis de limiter l’augmentation de GAG urinaire et ainsi d’éviter une reprise de l’enzymothérapie (suivi entre 1 et 2 ans selon les patients).
Le docteur Auricchio a conclu en précisant qu’il restait nécessaire d’obtenir des données cliniques complémentaires afin de confirmer l’efficacité potentiel de ce traitement. Lors de la séance des questions/réponses, il a également souligné l’intérêt d’évaluer l’injection d’une dose plus importante encore de vecteurs car il existait des variations individuelles dans la mesure de l’activité de l’arylsulfatase B sérique des patients traités à haute dose de l’essai clinique. Ceci dans le but de définir la dose thérapeutique optimale.
[/Delphine GENEVAZ/2021]