MPS II, retours sur le congrès WORLD 2021

Le congrès international sur les maladies lysosomales (WORLD) est le rendez-vous annuel incontournable sur l’actualité de la recherche scientifique et médicale. Si cette édition 2021 s’est faite exceptionnellement, COVID oblige, en distanciel, cela n’a pas réduit le volume d’informations communiquées.

Après les lecteurs adhérents de notre lettre d’information mensuelle Lysosome.Info, nous vous proposons de prendre connaissance dans cette actualité de 3 communications relatives aux projets de recherche sur la maladie de Hunter (MPS II) par type de traitement.

[orange fonce]1- Thérapie génique[/orange fonce]

Le laboratoire RegenXbio mène un essai clinique de thérapie génique de phase 1-2 dans la forme sévère de MPS II. Le traitement RGX-121 est un vecteur de type AAV9 contenant l’enzyme humaine IDS (iduronate-2 Sulfatase). Sont inclus dans l’essai des patients âgés entre 4 mois et 5 ans, qui reçoivent RGX-121 directement dans le cerveau en une fois. Trois groupes de patients sont constitués, chacun recevant le traitement à une dose différente (quantité de vecteurs injectés). L’objectif premier de l’étude est d’évaluer la sécurité de ce traitement aux différentes doses. Les patients doivent suivre une immunosuppression durant les 48 semaines post thérapie génique (traitement pour inhiber l’activation du système immunitaire afin d’empêcher le corps de rejeter les vecteurs injectés). Des bilans sur la sécurité du traitement sont faits à 24, 48 et 104 semaines. Des premiers éléments d’efficacité sont également évalués.

A la présentation des résultats intermédiaires, seul les 2 premiers groupes avaient été constitués. Huit patients étaient traités : 3 à faible dose avec un recul de suivi de 64 à 104 semaines, et 5 à dose moyenne avec un recul de suivi de 56, 32, 24, 8 et 4 semaines (pour les 2 traités très récemment, peu de résultats étaient collectées). Le traitement semblait jusque-là être bien toléré à ces deux doses. Sans évènement indésirables sévères.

Avant l’inclusion à l’étude, certains enfants recevaient un traitement par enzymothérapie substitutives. L’arrêt pouvait être envisagé à partir de la 52ème semaine post thérapie génique, si les marqueurs biologiques de suivi le permettaient. Deux enfants, traités à faible dose de RGX-121, ont pu arrêter. Le troisième enfant traité à faible dose ainsi que le premier enfant traité à dose moyenne et dont le suivi était de plus de 52 semaines, poursuivaient toujours l’enzymothérapie au moment de cette analyse intermédiaire. Les autres enfants n’avaient soit pas encore atteint les 52 semaines post thérapie génique et poursuivaient donc leur enzymothérapie (2 enfants) soit n’avaient pas d’enzymothérapie lors de leur inclusion (2 enfants). La concentration urinaire des GAG totaux restait stable chez les enfants ayant arrêtés l’enzymothérapie et diminuait chez ceux qui n’avaient pas initié d’enzymothérapie.

A la suite du traitement par thérapie génique, une diminution de la concentration en héparane sulfate dans le liquide céphalorachidien (LCR) a été observée à 8 semaines (moyenne de -30%). Cette diminution se stabilisait ou se poursuivait beaucoup plus lentement par la suite. Par des mesures indirectes dans le LCR, l’existence d’une certaine activité enzymatique était également constatée. Chez 5 patients sur les 6 évalués, une augmentation plasmatique de la concentration en enzyme était mesurée. Pour les patients les moins atteints, une poursuite du développement de la fonction cognitive (à âge équivalent), avec des acquisitions dans les domaines du langage et/ou moteur était observée (recul de plus de 6 mois de suivi). Lors de l’évaluation à 24 semaines du premier enfant n’ayant pas eu d’enzymothérapie substitutive avant, une réduction du volume du foie et de la rate était décelée.

[orange fonce]2- Administration par IV de l’enzyme IDS associée à un fragment proteique[/orange fonce]

La fonction de la barrière hémato-encéphalique est d’isoler les cellules du cerveau de la circulation sanguine afin d’éviter le passage de molécules toxiques ou d’agents pathogènes (exemples : agents infectieux). Dans le cas des maladies lysosomales, la barrière empêche les enzymes perfusées par voie intraveineuse d’accéder aux cellules du cerveau et par conséquent d’avoir un effet sur les atteintes neurocognitives. En parallèle de la thérapie génique, pour atteindre le cerveau, deux approches différentes sont étudiées :

1- perfuser directement dans le cerveau l’enzyme ;
2- perfuser par voie intraveineuse (IV) une enzyme associée à un fragment d’une autre protéine connue pour être identifiée par des récepteurs de la barrière et ainsi pénétrer dans le cerveau. En effet, des mécanismes permettent le passage sélectif pour des substances nécessaires au bon fonctionnement du cerveau. La perfusion reste ici par voie intraveineuse.

C’est sur la base de ce second principe que le laboratoire Denali développe un traitement pour la MPSII, à savoir une enzymothérapie « enrichie » d’une clé pour passer la barrière protectrice du cerveau. Le principe est de lier l’enzyme IDS (iduronate-2-sulfatase) à un fragment d’anticorps capable de s’accoler au récepteur de la transferrine. Le résultat de cette « liaison » est appelé protéine de fusion DNL310.

La transferrine est une protéine synthétisée par le foie qui a pour rôle de transporter le fer. DNL310 est administrée par perfusion intraveineuse afin de traiter les différents organes périphériques mais également potentiellement les cellules du cerveau grâce à une entrée par le récepteur à la transferrine.

Des études précliniques chez des souris MPS II perfusées toutes les semaines, ont montré une diminution des GAG (GlycosAminoGlycanes : molécules qui s’accumulent dans la MPS II) et d’autres lipides lysosomaux dans le cerveau. Il a été mis en évidence une forte corrélation entre les mesures de ces biomarqueurs (GAG, GM3) dans le cerveau et le liquide céphalorachidien (LCR) suggérant que les mesures dans le LCR permettent d’évaluer ce qui se passe au niveau du cerveau. De plus le traitement a permis une amélioration de la fonction motrice, de la mémoire et de l’apprentissage de l’environnement spatial des souris.

Sur cette base, un essai clinique pédiatrique de phase 1-2 a été lancé. Les objectifs sont d’évaluer la tolérance et des premiers éléments d’efficacité de DNL310.
Parmi les conditions, les patients inclus dans l’étude s’ils sont sous enzymothérapie substitutive classique doivent l’être depuis plus de 4 mois, le traitement est alors substitué par des perfusions de DNL310. Les enfants sans traitement spécifique au départ commencent directement les perfusions avec DNL310.

Trois groupes sont constitués successivement :

Le groupe A dont l’inclusion est terminée comprend 5 patients MPS II neuropathiques, âgés de 5 à 8 ans. Ces enfants reçoivent, durant 24 semaines, une perfusion de DNL310 par semaine à des doses augmentant au fil des semaines si elles sont bien tolérées (2 semaines à 3mg/kg, puis à minima 2 semaines à 7.5 mg/kg, puis à minima 4 semaines à 15 mg/kg, enfin à 30 mg/kg).

Le groupe B, en cours de recrutement, prévoit d’inclure 12 patients neuropathiques et non neuropathiques, âgés entre 2 et 18 ans. Il est prévu de subdivisé ce groupe en 3, chacun recevant un dosage de DNL310 différent, en partie déterminé par les résultats obtenus dans le groupe A.

Le groupe C (recrutement à venir) est un groupe additionnel d’une douzaine de patients neuropathiques de moins de 4 ans qui recevra DNL310 à une dose déterminée par les résultats obtenus dans les groupes A et B.

Les résultats intermédiaires présentés sont ceux du groupe A avec un suivi sur 13 semaines. Tous les patients étaient sous enzymothérapie depuis au moins 2 ans avant de participer à cet essai et 4 patients sur 5 avaient développer des anticorps contre l’enzyme (IDS). Les premiers résultats montrent une bonne tolérance aux doses testées (de 3 à 30 mg/kg), dont 4 patients sur les 5 ont atteint la plus forte dose (le dernier était encore à ce moment dans la période d’augmentation). A ce stade, tous poursuivaient l’étude, il n’y a pas eu d’arrêt ni de réduction de dosage. Après 4 semaines de traitement par DNL310, on mesure une réduction moyenne de la concentration en héparane sulfate dans le LCR de 76% (normalisation pour 4 patients). Après 12 semaines, cette réduction moyenne atteint 85% avec un maintien de la normalisation pour les 4 patients. Pour le dermatane sulfate, la diminution moyenne dans le LCR est de 53% et 73% respectivement après 4 et 12 semaines. Le patient pour qui la diminution est plus lentement que les autres, avait au départ un taux très important d’anticorps anti IDS. Après le changement de l’enzymothérapie classique par DNL301, la concentration urinaire en héparane et dermatane sulfate a également diminué de manière significative. Ces résultats intermédiaires viennent en faveur de la poursuite de l’essai clinique avec le groupe B.

[orange fonce]3- Enzymothérapie par IV et ICV[/orange fonce]

Au Japon, un essai clinique de phase 1-2 a été mené chez 6 enfants, âgés de 2 à 5,5 ans (de 23 à 65 mois), avec une forme sévère de MPS II et traités par enzymothérapie substitutive depuis plus de 6 mois (par Hunterase). En plus de leur traitement habituel (perfusion par voie intraveineuse ou IV), ces enfants ont reçu, toutes les 4 semaines, une perfusion d’enzyme directement dans le cerveau par le biais d’un réservoir implanté sous la peau du crâne (perfusion par voie intracérébroventriculaire ou ICV). Les perfusions par ICV se sont faites sur une période totale de 192 semaines avec des doses croissantes d’enzyme au départ (2 fois à 1 mg, puis 2 fois à 10 mg, puis 30 mg). Les critères premier et secondaire de l’étude étaient la mesure de la concentration d’héparane sulfate dans le LCR (liquide céphalorachidien) et l’évaluation de l’âge de développement neurocognitif (selon l’échelle de Kyoto : KSPD). L’équipe investigatrice a présenté les résultats après deux ans (100 semaines) de traitement. Dans l’ensemble, le traitement a été bien toléré sur cette période. Une réduction significative de l’héparane sulfate dans le LCR a été mesurée pour 5 des 6 enfants. La différence de l’évaluation de l’âge de développement entre le début de l’étude et après 100 semaines de traitement a été comparée à celle obtenue précédemment lors du suivi d’un groupe de 13 enfants sans traitement par ICV (groupe historique). Pour 5 enfants sur les 6 traités en ICV, on observe une amélioration de cette différence en comparaison au groupe d’enfants historique suggérant un effet positif du traitement sur cette période pour ces 5 enfants.

[/Delphine GENEVAZ/]
mai 2021

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