Les nanoparticules, également appelées particules ultrafines (PUF), sont des molécules dont la taille varie entre 1 et 100 nanomètres. En médecine, la nanotechnologie offre de nombreuses perspectives d’utilisation. Parmi elles, la possibilité de traiter des maladies.
Ainsi la nanovectorisation consiste à intégrer un principe actif dans des nanoparticules sphériques formées artificiellement qui sont utilisées comme vecteurs (transporteurs). Selon la composition de « leur enveloppe », ces sphères peuvent cibler spécifiquement certains tissus pour y libérer le produit qu’elles transportent. Le principe actif est en outre protégé d’une dégradation biologique avant d’atteindre son tissu cible.
S’il existe déjà plusieurs médicaments nanovectorisés, utilisés dans le traitement du cancer, les perspectives sont plus larges et visent d’autres domaines thérapeutiques. Autre enjeu, réussir à cibler le tissu cérébral, en franchissant la barrière hémato-encéphalique, barrière physiologique entre la circulation sanguine et le système nerveux central (cerveau). Pour être concrétisées, ces pistes demandent le développement de nouveaux vecteurs, aux propriétés spécifiques.
Après avoir précédemment développé une méthode de synthèse qui permettait une encapsulation efficace de différentes enzymes tout en conservant leur fonctionnalité, une équipe s’est focalisée dans la poursuite d’un développement thérapeutique pour la maladie de Krabbe, dont l’enzyme impliquée est la galactosylcéramidase (GALC).
Les auteurs ont produit trois nouvelles formulations de nanoparticules (NP) avec différents éléments de ciblage pour passer la barrière hémato-encéphalique. Après avoir vérifié la taille de ces NP, l’efficacité d’encapsulation et le niveau de conservation de l’activité de l’enzyme GALC, ils ont étudié l’absorption de ces NP par des cellules en culture, leur acheminement jusqu’au lysosome, évalué la dose nécessaire pour que les cellules récupèrent une activité enzymatique suffisante et le niveau de conservation de cette activité 24 et 96 heures après traitement.
Dans un second temps, les chercheurs ont regardé l’effet du traitement par ces NP, chez le modèle souris pour la maladie de Krabbe. Les souris ont été traité jeunes, avant l’apparition des symptômes, par une injection péritonéale (dans l’abdomen). Ont été injecté soit ces NP contenant l’enzyme GALC, soit l’enzyme seule, soit une formulation de NP contenant l’enzyme GALC mais sans élément de ciblage pour la barrière hémato-encéphalique (NP contrôle). 4 heures après l’injection, l’activité enzymatique est mesurée dans le cerveau, la moelle épinière, les nerfs sciatiques, le foie et les reins. Les résultats sont comparés à ceux des souris malades non traitées, des souris non malades et des souris hétérozygotes (souris équivalentes aux parents et porteurs « sains »).
L’activité enzymatique dans le cerveau des souris traités par les NP ayant un élément de ciblage pour la barrière du cerveau, est d’environ 45% par rapport aux souris non malades, valeur équivalente à celle des souris hétérozygotes. Les autres groupes de souris ont une activité enzymatique effondrée, montrant l’incapacité de l’enzyme libre et de celle contenue dans les NP contrôle, de traverser la barrière hémato-encéphalique.
Dans le foie, l’activité enzymatique chez les souris traitées par l’enzyme libre et les NP contrôle est importante et légèrement supérieure à celles des souris traitées par les NPC ciblant le cerveau, dont les valeurs sont là encore identiques à celles des souris hétérozygotes.
Pour les autres tissus (moelle épinière, nerfs sciatique, reins), l’activité enzymatique est très faible pour les différents groupes de souris traitées, bien inférieure aux souris non malades et aux souris hétérozygotes.
Par ces expériences, les auteurs ont montré la possibilité d’apporter une enzyme fonctionnelle aux cellules du cerveau par des nanovecteurs ayant des éléments de ciblage leur permettant de traverser la barrière hémato-encéphalique. L’activité enzymatique obtenue dans ces cellules correspond à un niveau thérapeutique probablement suffisant (niveau des hétérozygotes). Cette administration en périphérie est moins invasive qu’une injection directe dans le cerveau. Il reste cependant encore beaucoup à faire avant d’envisager une application en clinique.
[/Delphine GENEVAZ/]
janvier 2020