Maladie de Fabry, de nouvelles approches thérapeutiques en essai clinique

Bien que deux approches thérapeutiques spécifiques différentes soient disponibles pour les patients atteints de la maladie de Fabry (perfusion d’enzyme de substitution et molécule chaperon), ceux-ci ne bénéficient pas à tous de la même manière. La grande variabilité dans l’expression et la sévérité des symptômes, les réactions à, les indications et impacts de ces traitements, rendent indispensable la poursuite des recherches pour des traitements plus efficaces, moins contraignants, et idéalement curatifs pour tous.

Aujourd’hui plusieurs thérapies sont en cours d’évaluation clinique et pourraient à terme venir modifier les options de traitement actuel. Nous vous en présentons une synthèse.

Thérapies géniques ex vivo

Le principe est de prélever chez les malades leurs cellules souches hématopoïétiques (cellules à l’origine des cellules du sang) et de les modifier par thérapie génique en laboratoire (apport du gène fonctionnel GLA, impliqué dans la maladie de Fabry, grâce à un vecteur). Les cellules modifiées ex vivo (en dehors du corps) sont réinjectées au malade selon une procédure de greffe autologue (greffe de ses propres cellules). On espère ainsi obtenir une production en continue de l’enzyme α–galactosidase (α-Gal) par les cellules souches modifiées.

Deux essais cliniques sont actuellement en cours.

L’université de Toronto, conduit au Canada, une étude clinique pilote de phase 1, chez des hommes atteints de la maladie de Fabry âgés entre 18 et 50 ans, afin d’évaluer la sécurité du traitement par greffe autologue de cellules souches modifiés. Les patients doivent déjà être sous traitement par enzymothérapie, la greffe de cellules souches modifiées venant s’ajouter. Le suivi des biomarqueurs urinaires et plasmatiques permet d’avoir une première indication d’un éventuel effet de ce traitement. 5 malades sont inclus dans cet essai et sont suivis sur 5 ans. Le premier patient a été traité en janvier 2017. A deux ans post traitement, la production d’α-Gal en continue par ses cellules souches modifiées est toujours observable par dosage de l’activité enzymatique dans le plasma (publication de l’équipe en février 2019) bien qu’elle ait diminuée légèrement au cours du temps (communiqué de presse AvroBio février 2019). A 18 mois post traitement le patient a arrêté son traitement par enzymothérapie. Un communiqué de presse d’AvroBio de février 2020 indique que les 3 premiers patients de l’étude ont arrêté leur enzymothérapie depuis 6, 14 et 15 mois respectivement.

Le laboratoire AvroBio ayant signé un partenariat d’exclusivité pour ce traitement, a lancé un autre essai clinique de phase 1-2, en cours de recrutement aux Etats-Unis, en Australie et au Canada. Il est prévu d’inclure entre 8 et 12 hommes atteints de la maladie de Fabry, âgés entre 16 et 50 ans, et naïfs de tout traitement depuis 3 ans. Cette étude a pour objectifs d’évaluer la sécurité de cette approche thérapeutique ainsi que le changement du nombre moyen d’inclusion en Gb3 dans les capillaires péritubulaires de chaque patient, à 48 semaines après traitement. En juillet 2019, le laboratoire indique par communiqué de presse qu’à un an du traitement, une réduction de 87% en lyso Gb3 plasmatique et en nombre moyen d’inclusion en Gb3 dans les capillaires péritubulaires a pu être observée chez le premier patient ainsi qu’une stabilisation des fonctions cardiaque et rénale.

Les différents communiqués de presse d’AvroBio et présentations de résultats intermédiaires lors de congrès indiquent que jusqu’ici le traitement est bien toléré par les patients.

Thérapie génique par injection de vecteur

Deux essais cliniques de phase 1-2, actuellement en recrutement, sont menés chez des hommes atteints de la maladie de Fabry, et âgés d’au moins 18 ans. L’administration du vecteur contenant le gène GLA est faite par voie intraveineuse.

Pour le premier essai, la société de biotechnologie Freeline Therapeutics a conçu un vecteur AAV8 qui cible préférentiellement les cellules du foie afin d’y introduire le gène fonctionnel GLA. Lors des études précliniques chez les souris, une expression hépatique du gène GLA a pu être obtenue, constatée par une activité enzymatique durable de l’α–Gal dans le plasma. Cette enzyme circulante était « capturée » par les différents organes cibles (rate, rein, cœur) et a permis d’observer une réduction des biomarqueurs Gb3 et LysoGb3. L’essai clinique prévoit d’injecter en intraveineux une dose unique du vecteur contenant le gène GLA et d’en évaluer la sécurité et la tolérance. La quantité de vecteurs injectée (dose) est augmentée à chaque groupe (constitué de 1 à 3 patients) afin de déterminer la dose optimale. Les participants doivent arrêter leur traitement par enzymothérapie. En plus de la sécurité, différents critères sont explorés (production d’enzyme, diminution de la surcharge en Gb3 et lyso Gb3 dans les cellules de la peau et du rein, questionnaire de qualité de vie…). Lors du congrès WORLD de février, une présentation de résultats intermédiaires du premier patient traité à la plus faible dose a indiqué une bonne tolérance lors de la perfusion et une augmentation de l’activité enzymatique dès la 2ème semaine avec un plateau à 4 semaine toujours maintenue à 20 semaine post traitement. Cette augmentation était néanmoins inférieure à la normale et le patient a dû reprendre son enzymothérapie 6 semaines après son traitement par thérapie génique, suite à la survenue de quelques symptômes. Cette étude prévoit d’inclure 15 patients et est menée en Angleterre (Londres), Norvège (Bergen) et Italie (Naples).

Le second essai est celui du laboratoire Sangamo Therapeutics. Le vecteur choisi est un AAV2/6 contenant le gène GLA. L’étude consiste comme le précédent à évaluer la sécurité et tolérance d’une injection unique dont la dose sera augmentée pour chaque patients/groupes. Il est prévu d’inclure 30 patients qui seront suivis sur une première période de 58 semaines. L’étude se déroule sur plusieurs sites aux Etats-Unis.

Thérapie enzymatique substitutive

Il s’agit du développement par le laboratoire Protalix d’un traitement par une enzyme α-Gal produite à partir de plantes transgéniques et modifiée par des ajouts de brins de Polyéthylène Glycol (PEG). Les études précliniques effectuées avec cette enzyme modifiées (PEG α-Gal) montrent un temps de présence bien plus long dans la circulation sanguine (plus de 2 semaines), une meilleure « capture » par les cellules du cœur et du rein et une moins bonne « capture » par les cellules du foie comparée à l’enzyme non modifiée. Un premier essai clinique de phase 1-2 avait pour objectif d’évaluer la sécurité du traitement. L’enzyme modifiée étaient administrée par voie intraveineuse, toutes les 2 semaines, à des dosages différents selon les groupes (0,2 ; 1 ou 2 mg/kg). A partir des résultats obtenus lors de ce premier essai, deux autres études de phase 3, actuellement en cours, ont été lancées chez des patients âgés entre 18 et 60 ans. Pour la première, l’enzyme modifiée est perfusée à la dose de 1 mg/kg toutes les 2 semaines, pour la seconde l’enzyme est administrée à la dose de 2 mg/kg toutes les 4 semaines. Les patients inclus doivent tous avoir été sous traitement ERT durant 3 ans et stable depuis 6 mois. Ils sont suivis durant 3 mois avec leur traitement d’origine puis celui-ci est interrompu et remplacé par le traitement à évaluer. En parallèle, un troisième essai clinique de phase 3 est mené afin de comparer la dégradation de la fonction rénale chez des patients traités par PEG α-Gal et des patients traités par Fabrazyme, tous à la dose de 1 mg/kg toutes les 2 semaines.

Inhibiteur de substrat

Le laboratoire Idorsia développe un traitement par voie orale qui vient inhiber partiellement la production de glucosylcéramide (molécule précurseur dans la chaine de « fabrication » des substances qui vont ensuite s’accumuler dans la maladie de Fabry). Une enquête menée par Idorsia chez 367 malades Fabry avait montré qu’au moins la moitié des participants avaient de fréquentes douleurs neuropathiques (modérées à sévères). A partir des informations récoltées, Idorsia a initié un essai clinique de phase 3, en cours de recrutement de patients âgés d’au moins 18 ans, ayant comme objectif premier d’obtenir une réduction d’au moins 30% des douleurs neuropathiques. Deux groupes de patients sont constitués à l’aveugle (patients et médecins ne connaissent pas la répartition) au fur et à mesure du recrutement. Le premier groupe réunira les 2/3 des patients, qui auront le traitement à évaluer (Lucerastat), le second rassemblera le tiers restant qui recevra un placebo (groupe témoin). Au total, il est prévu d’inclure 108 patients. 4 gélules sont à prendre pas jour. La période de suivi sous traitement dure 6 mois avec plusieurs visites cliniques prévues et des appels téléphoniques. Les patients doivent en outre remplir quotidiennement un journal électronique afin d’indiquer le ressenti de leurs symptômes et s’ils prennent des médicaments (ponctuellement/au long court) dans le cadre de la maladie de Fabry (anti douleurs par exemple). A l’issu des six mois, les patients peuvent entrer dans une phase d’extension de l’essai où ils reçoivent tous le traitement.

Molécule chaperon

Après l’obtention de l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) pour son utilisation chez les adultes, le laboratoire Amicus mène désormais un essai clinique de phase 3 pour évaluer la sécurité, la tolérance et les bénéfices de son traitement par molécule chaperon (migalastat) chez des enfants ayant une maladie de Fabry (garçons et filles) âgés entre 12 et 17 ans. Les malades doivent avoir des mutations du gène GLA dites répondantes au traitement. Une liste de ces mutations est établie et réactualisée régulièrement selon les connaissances. Les sites investigateurs se trouvent aux Etats-Unis et en Espagne, le recrutement est actuellement en cours.

[/Delphine GENEVAZ/]

Partager sur les réseaux

vml-illustration-1
La recherche avance avec VML
Merci à tous ceux qui s’engagent avec nous, familles, donateurs, partenaires,organisateurs de manifestations. Merci aux chercheurs, médecins, qui s’impliquent et s’engagent pour nos pathologies rares.
Aller au contenu principal