Les gangliosisdoses à GM1 et à GM2 sont des maladies qui affectent de façon importante le développement cognitif et moteur des malades.
La gangliosidose à GM1 (ou maladie de Landing) est provoquée par le déficit d’une enzyme lysosomale appelée beta galactosidase, dû à des mutations du gène GLB1. Ce déficit entraine une accumulation du GM1 ganglioside dans les lysosomes des cellules, dont les cellules nerveuses du cerveau, qui aura comme conséquence un dysfonctionnement des organes les plus touchés et leur dégénérescence. En fonction de l’âge d’apparition des symptômes et leur sévérité, la maladie est décrite selon trois types : le type 1 (ou forme infantile précoce) avec des symptômes avant 6 mois, le type 2 comprenant le type 2a (ou forme infantile tardive) dont les premiers signes de la maladie apparaissent entre 1 et 3 ans et le type 2b (ou juvénile) avec des symptômes cognitifs après 3-4 ans, enfin le type 3 (ou forme adulte) dont les symptômes apparaissent généralement après 10 ans.
La gangliosidose à GM2 regroupe deux maladies, Tay-Sachs et Sandhoff, provoquée par le déficit d’une même enzyme appelée beta Hex A. Cette enzyme est complexe, c’est une association de deux protéines appelée sous-unité alpha et sous-unité bêta. Chaque sous-unité est produite à partir de l’information d’un gène différent, le gène HEX A pour la sous-unité alpha et le gène HEX B pour la sous-unité bêta. Lorsque les mutations se trouvent sur le gène HEX, A et vont donc avoir une répercussion sur la sous-unité alpha, on parle de la maladie de Tay-Sachs, lorsque c’est le gène HEX B qui est muté, avec une répercussion sur la sous-unité bêta, on parle de la maladie de Sandhoff. Là encore, les maladies sont décrites sous trois formes selon l’âge d’apparition et la sévérité des symptômes : forme infantile précoce avec des symptômes avant 6 mois, forme juvénile pour des premiers symptômes apparaissant entre 2 et 6 ans et une forme dite tardive (adulte).
Depuis quelques années, des laboratoires pharmaceutiques et de biotechnologies montrent un fort intérêt dans le développement d’approches thérapeutiques pour les gangliosidoses à GM1 et à GM2. Certains d’entre eux ont lancé ou lancent des essais cliniques et/ou des études d’histoire naturelle préalable à de futurs essais thérapeutiques. Nous vous proposons dans les lignes suivantes un rapide tour d’horizon de ceux qui sont en cours de recrutement de patients.
SIO Gene Therapies (ex Axovant)
Ce laboratoire de biotechnologie développe des approches en thérapie génique. Fin 2019, un essai clinique était lancé aux Etats-Unis pour la gangliosidose à GM1 pour les types 1 et 2 de la maladie. Le principe du traitement repose sur l’injection intraveineuse en une fois d’une certaine quantité de vecteurs AAV9 contenant le gène GLB1. L’inclusion des huit enfants de type 2 est terminée, cinq enfants ayant reçu une quantité de vecteurs dite à faible dose et 3 enfants à forte dose. Le laboratoire inclut désormais les enfants ayant le type 1 de la maladie pour également évaluer la dose optimale entre sécurité et efficacité.
En octobre, le laboratoire a fait une communication sur des premiers résultats intermédiaires. A ce jour, le traitement a un bon profil de sécurité et est bien toléré. Chez deux enfants ayant reçu la forte dose de traitement avec un recul de plus de 6 mois, il est observé une normalisation de l’activité enzymatique dans le sang ainsi que du GM1 ganglioside dans le liquide céphalorachidien (LCR) qui « baigne » la moelle épinière et le cerveau. Pour les enfants ayant reçu une faible dose de traitement, l’activité enzymatique reste en dessous de la normale et le GM1 ganglioside dans le LCR a diminué sans se normaliser chez 4 des 5 enfants. Des mesures cliniques (tests neurocognitifs, IRM du cerveau) ont également été communiquées. Le recul reste cependant trop insuffisant à notre avis pour indiquer une réelle tendance, même si le laboratoire avance une stabilisation de certaines mesures (pas pour toutes les mesures, ni pour tous les patients) qui doit être confirmée.
Un autre essai clinique, en cours de recrutement, a été lancé aux Etats-Unis pour la gangliosidose à GM2, pour les types 1 et 2 de la maladie. Pour cette maladie, chacun des deux gènes impliqués a été introduit dans des vecteurs séparés. Un mélange équilibré de ces vecteurs est injecté en une fois dans chaque hémisphère du cerveau (zone du thalamus) et dans le ventricule situé à la base arrière de la tête (grande citerne ou cisterna magna) contenant le liquide céphalorachidien, liquide qui « baigne » le cerveau et la moelle épinière. Dans la première partie de l’essai clinique, les enfants recevront des doses différentes afin d’évaluer la sécurité, la tolérance du traitement et déterminer la dose idéale. La dose de départ est considérée comme potentiellement bénéfique selon les résultats des études menées chez l’animal. Les doses plus élevées auront pour objet d’indiquer si elles apportent ou non des bénéfices additionnels sans augmenter les risques d’événements indésirables.
En août dernier, un communiqué de presse indiquait l’inclusion des deux premiers patients, l’un ayant reçu la dose de départ, le second la dose dite basse. Au total il est prévu d’inclure 18 patients et d’évaluer quatre différentes doses. Les patients ayant le type 1 doivent être âgés entre 6 et 20 mois, et ceux ayant le type 2 entre 2 et 12 ans. D’autres critères viennent conditionner l’éligibilité des malades à pouvoir participer à cet essai.
Passage Bio
Ce laboratoire développe un traitement par thérapie génique pour la gangliosidose à GM1 forme infantile type 1 (précoce) et type 2a (tardive). Un essai clinique de phase 1-2 et une étude d’Histoire Naturelle prospective va débuter avec des sites aux Etats-Unis, Brésil, Canada, Turquie et Angleterre. L’administration du vecteur contenant le gène GLB1 se fera dans le ventricule se trouvant à la base de la tête (cisterna magna), rempli de liquide céphalorachidien. Pour participer à l’essai clinique de phase 1-2, parmi les critères d’éligibilité, les enfants ayant une forme infantile précoce doivent être âgés entre 4 et 24 mois et ceux ayant une forme infantile tardive, entre 6 et 36 mois. Il est prévu d’inclure 10 enfants avec une forme infantile précoce et 10 enfants avec une forme infantile tardive. Trois groupes seront constitués pour chaque forme. Les deux premiers, comprenant chacun deux enfants, recevront des doses différentes de vecteur afin de déterminer la dose optimale, les enfants du troisième groupe recevront la dose qui aura été déterminé comme optimale afin de pouvoir évaluer de façon plus précise l’efficacité du traitement en plus de sa sécurité et de sa tolérance.
Une plateforme pour remplir un formulaire de mise en contact avec le(s) centre(s) investigateur(s) le(s) plus proche(s) a été développée par le laboratoire.
Lysogene
Dans la lettre d’information de VML de mai 2021, information était donnée de l’ouverture de l’essai clinique de phase 1-2 du laboratoire Lysogène pour les formes infantiles (précoce et tardive) de la gangliosidose à GM1, avec notamment un centre investigateur en France (Dr Bénédicte Héron, Hôpital A. Trousseau, Paris). Il s’agit d’une thérapie génique par injection d’un vecteur AAVrh10, contenant le gène GLB1, au niveau du ventricule se trouvant à la base de la tête. Les objectifs de l’essai sont de s’assurer que le traitement est bien toléré et d’évaluer des premiers éléments d’efficacité. Parmi les critères d’éligibilité, les enfants ayant une forme infantile précoce doivent être âgés de moins de 12 mois et en capacité de déglutir. Pour la forme infantile tardive, les enfants doivent avoir moins de 3 ans et pouvoir s’assoir.
Un an auparavant, le laboratoire avait également lancé une étude de l’Histoire Naturelle s’appuyant principalement sur des informations recueillis par des vidéos du malade à des moments clés de la journée (repas, interactions sociales, communication, sommeil, jeux…) sur deux ans et des entretiens avec les parents/aidants. Il est prévu d’inclure une trentaine de malades. Le centre investigateur se trouve aux Etats-Unis.
Les recrutements sont toujours en cours aussi bien pour l’histoire naturelle que pour l’essai clinique.
Taysha
Au Canada, un premier essai clinique vient d’être lancé pour évaluer la sécurité et collecter des premiers éléments d’efficacité du traitement TSHA-101, une nouvelle thérapie génique pour la forme infantile de la gangliosidose à GM2 développée par ce laboratoire. Le vecteur utilisé est un vecteur dit bicistronique, c’est-à-dire qui contient les deux gènes codant pour les sous-unités alpha et bêta de l’enzyme bêta Hex A. L’idée est qu’ainsi, une même quantité de chaque sous-unité sera produite dans les cellules où le vecteur se sera introduit. Il est prévu d’inclure 6 enfants de moins de 15 mois ayant une forme infantile de la maladie.
L’administration se fait par voie intrathécale (au niveau de la moelle épinière, dans le liquide céphalorachidien). L’inclusion est ouverte également aux patients non canadiens.
Sanofi Genzyme
Sanofi mène actuellement un essai clinique de phase 3 pour la forme tardive de la gangliosidose à GM2 dont l’objectif premier est d’évaluer l’efficacité d’un traitement oral basé sur le principe de la thérapie par inhibition de substrat. Vingt-quatre centres, répartis dans 14 pays différents dont la France (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), sont toujours en cours de recrutement. Le traitement est administré en une prise unique par jour. Cet essai comprend un groupe dit placebo, c’est-à-dire que des patients prennent une gélule qui ne contient pas le principe actif du médicament. La répartition des patients dans le groupe recevant le traitement ou celui recevant le placebo se fait de manière aléatoire, en aveugle (personne ne sait qui est dans quel groupe). Le suivi des patients se fait sur deux années, puis les participants peuvent intégrer une étude de suivi à long terme où ils recevront le traitement.
Azafaros
Nouveau laboratoire de biotechnologie allemand, créé en 2018, Azafaros développe actuellement un traitement oral dans pour les formes infantiles tardive et juvénile des gangliosidoses à GM1 et GM2. Le principe du traitement repose sur une double action inhibitrice de deux enzymes majeures impliquées dans la modulation du renouvellement des gangliosides. Selon des études qui ont été menées chez l’animal, la molécule étudiée, actuellement appelée AZ-3102, aurait la capacité de passer la barrière du cerveau.
En mars de cette année, un premier essai clinique chez des volontaires sains (personnes non malades) a été lancé pour évaluer la sécurité du traitement, étudier sa tolérance à différentes doses et regarder son comportement et devenir (pharmacocinétique et pharmacodynamique) dans le sang et le liquide céphalorachidien.
En parallèle, la start-up a décidé de mettre en place une étude prospective de l’Histoire Naturelle pour avoir des données précises de l’évolution neurologique des personnes atteintes, selon des tests et des échelles de mesures identiques à ceux qui pourraient être utilisés dans de futurs essais cliniques impliquant des malades. Cette étude devrait prochainement être ouverte au recrutement. Il est prévu qu’au moins 75 malades ayant une forme infantile tardive ou juvénile de la gangliosidose à GM1 ou GM2, âgés de 2 à 20 ans, y participent, avec un minimum de 25 participants pour chaque maladie. Azafaros souhaite s’aider de cette Histoire Naturelle pour déterminer les critères importants sur lesquels construire un essai clinique qui évaluera l’effet potentiellement thérapeutique de l’AZ-3102 sans avoir à utiliser un placebo comme comparateur.
Pour éviter des déplacements trop fréquents et parfois lointains vers les sites d’investigation, l’étude se fera en grande partie grâce à des consultations virtuelles sur des plateformes sécurisées et par le remplissage par les parents/aidants de différents questionnaires et la tenue d’un journal du « quotidien » via des applications pour smartphone. Des capteurs portables permettront également une mesure en continue des paramètres importants liés à la marche.
En France, deux centres investigateurs sont pour l’instant prévus, l’un à Paris (Dr Bénédicte Héron, Hôpital A. Trousseau) et l’autre à Marseille (Pr Brigitte Chabrol, Hôpital de la Timone).
[/Delphine GENEVAZ/]